Les jardiniers du Bessin   
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Homélie de Monseigneur Jean-Claude Boulanger

Messe à l'occasion de la Saint-Fiacre
Bayeux, Dimanche 1er Septembre 2019








     Chers amis de saint-Fiacre et vous tous qui êtes les jardiniers de Dieu sur la terre.


     Un adage raconte que plus un arbre monte haut, plus la tête s'éloigne de ses racines. Que votre promotion ou votre responsabilité ne vous monte pas à la tête. Quand on est un véritable jardinier il y a peu de chance que cela vous arrive. La valeur principale d'un jardin n'est pas d'abord de donner au jardinier des légumes et des fruits mais de lui apprendre la patience. Vous le savez, ce n'est pas en tirant sur les poireauxqu'on les fait pousser plus vite. Un jardin nous apprend la sagesse et même la spiritualité. C'est une école de vie parce qu'il y a souvent plus d'échecs que de réussite. Il faudrait que de temps en temps on donne la parole dans notre monde médiatique aux jardiniers. Ils vous diraient que le jardin et la nature nous apprennent à différer nos attentes et à accepter les déceptions. Il ne suffit pas d'appuyer sur un clic pour que fleurissent nos rosiers.

     Chers amis, au moment où vous vous rassemblez à la suite de Saint-Fiacre, je voudrais vous dire que vous êtes les jardiniers de Dieu.

     Au début du VIIème siècle, Saint Fiacre est venu vivre en ermite dans la région de Meaux. Sa bonté attirait les pauvres. Il demanda à l'évêque de Meaux un terrain pour nourrir ceux qui n'avaient rien. Celui-ci lui accorda la surface que la bêche pourrait entourer d'un fossé en une journée. Le miracle se produisit et la bêche mue d'elle même, entoura un vaste enclos. On représente ainsi ce moine : l'Evangile ouvert dans la main gauche et une bêche dans la main droite. Saint Fiacre appelait les fleurs qu'il mettait dans son oratoire en l'honneur de la Vierge Marie : les sourires de la terre. Il partageait son temps entre la prière, le travail manuel et le soin des pauvres. Quelques siècles plus tard, Saint Bernard écrira : "Tu trouveras plus dans les forêts que dans les livres. Les arbres et les pierres t'enseigneront plus qu'aucun maître ne te dira". Pensez aussi à Saint François d'Assise qui à la même époque dira : "Loué sois-tu, mon Seigneur, par soeur notre mère la Terre qui nous porte et nous nourrit, qui produit la diversité des fruits, les fleurs diaprées et les herbes".

     La nature est une école de vie.

     Oui la nature est une école de vie et de découverte spirituelle. Dieu confie à l'être humain sa création pour qu'il la garde et la cultive. On ne devient pas jardinier de Dieu quen communiant à la nature. Ce n'est pas en l'exploitant, en la dominant, en la maîtrisant que l'on devient jardinier, mais en y communiant. Les fleurs louent Dieu à leur manière. Pas seulement quand il y a un beau bouquet devant l'autel, mais tout simplement quand elles sont là dans le jardin. Seuls ceux qui savent entrer en communion avec la nature comprennent que celle-ci participe à sa manière à la rencontre du Créateur. Un jour, à l'entrée d'une forêt, j'ai trouvé une grande pancarte avec cette prière de la forêt. Je crois véritablement que la nature prie en notre nom. Voici ce qui était écrit :

     Et c'est donc la prière de la forêt :

"Je suis la chaleur de ton foyer, dit la forêt, par les froides nuits d'hiver.
Je suis l'ombrage ami lorsque brûle le soleil d'éte.
Je suis le lit dans lequel tu dors et le bois dont tu fais tes navires.
Je suis le manche de ta houe et la porte de ton enclos.
Je suis la charpente de ta maison et la planche de ta table.
Je suis le bois de ton berceau et la planche de ton cercueil.
Je suis le pain de la bonté et la fleur de la beauté.
Je suis l'eau des nuages et l'eau des sources.
Je suis la croix du Christ. Ecoute ma prière. Respecte-moi".

     Cette simple prière de la forêt est une école de vie et de foi. Tout est dit.
 ... Comme il avait raison Saint Bernrd : Les arbres nous apprennent plus que les grands penseurs de l'histoire.

     Et j'aimerais simplement terminer par ce petit poème, qu'un jour la nature m'a inspiré :

A 10 ans j'avais rêvé
D'être de la race de ces chênes
Qui sont la fierté de nos forêts.
Un chêne aux larges bras
Qui avait bravé orages et tempêtes
Un chêne robuste et feuillu
Qui serait le bienvenu
Des avanturiers inconnus.

Oui j'avais rêvé d'être ce chêne
Si vaste et si touffu
Q'un enfant pourrait s'y cacher
Sans risquer d'être vu.

A 20 ans, je révais d'être un peuplier
Haut et droit au bord de la rivière
Un peuplier tout simple,
Comme il en pousse dans nos vallées fertiles.

Un peuplier planté au beau milieu des autres arbres,
Non plus unique en son genre,
Mais un peuplier montant vers le ciel
Où le vent fait changer son feuillage.
Je rêvais de ce peuplier fragile et frêle
Mais aux racines si profondes
Qu'aucune bourrasque n'ébranle.

Ainsi va la vie. Les années ont passé.
Du chêne au peuplier je n'ai point été.
Du chêne au peuplier je n'ai pas de regret.
Ce que la vie m'a fait, je le découvre aujourd'hui.
Je suis simplement ce pommier
Qu'un matin on a greffé.
Un printemps il a fleuri,
Peut-être donnera-t-il du fruit ?

Voilà ce qu'un jour j'ai compris de la vie :
Ne t'inquiète pas d'être chêne ou peuplier
Une seule chose te suffit :
FLEURIS-LA OU DIEU T'A PLANTE

                                                                                                         Jean-Claude BOULANGER
                                                                                                         Evêque de Bayeux-Lisieux.